Deux remplacements ...
Un remplacement dans une classe.
Au début je suis très motivée, connaissant les personnages, je m'investis totalement, voire même à 200%
1), Calcul mental sur ardoise, niveau facile pour ne pas déclencher la tempête.
"Vas y maîtresse ! Il a marqué un gros mot sur l'ardoise !"
Force m'est de constater que l'enfant, puis d'autres, ont écrit côté recto, "PD", ce qui permet à ceux qui sont derrière, de s'en repaître, lorsqu'il brandit son résultat.
Bien entendu il recommencera, mais je ne capitule pas.
2)Exercice sur cahier, ils n'ont pas de cahier du jour, il y a bien longtemps que c'est abandonné par le collègue, mais je suis pour, cela permet un suivi.
Donc, j'instaure :
Exercice très facile pour ne pas les braquer, orthographe de "a ou à", ils y arrivent tous lorsque la séance est collective, mis à part les lancer de crayons et de gomme. Mais bien entendu j'ai droit à :
"vas-y maîtresse, j'ai rien compris !"
"Je ne le fais pas ça me gonfle !"
"Maitresse, il a dit des gros mots ce PD !"
J'interviens, l'énergumène se fâche, s'énerve, et lance tout un tas de "enculé" "enculé de ta mère!"! (j'ai toujours trouvé cette expression stupide car infaisable, mais je me suis toujours abstenue de leur démontrer) .
Je le prends à bras le corps et je le maintiens de force pour qu'il se calme.
J'y arrive.
Puis l'autre pas content d'avoir entendu "enculé de ta mère", lui dit à voix basse, "petite bite", "tu pues du cul".
Et hop, un autre à maintenir.
3) Arrive le moment de la sortie, avec bien entendu descente des escaliers, je suis inflexible, j'y arrive à peu près.
Et je rentre chez moi.
J'appelle le mammouth, une dame gentille qui me suit depuis trois ans.
J'explique, que étant à mi-temps thérapeutique, il me semble peu logique que j'aie cette classe dont le collègue est en train de s'effondrer. Elle est d'accord avec moi, et me met en rapport avec le service concerné. J'accepte de finir la journée, mais je ne suis pas bien.
Malheureusement, et en même temps cela me rassure, le collègue est en ligne de mire pour inefficacité. Ceci malheureusement explique une partie du problème.
Mais ça je ne l'ai su qu'après. Sinon, je n'aurais pas téléphoné.
L'après midi il y avait sport, l'intervenante est étonnée de me voir arriver à l'heure.
Mais aucun moyen de mettre en place l'activité.
Tout doucement, je me retire mentalement de la gestion, nous décidons ensemble de les laisser perdre leur temps, c'est une question de survie.
Je passe sur les bastons qui les amusent beaucoup, sur les punitions.
Le directeur dit qu'il n'en peut plus. *^-^*
Certes il intervient quelques minutes dans la journée.
Moi je suis déjà ailleurs dans ma tête, je ne me dévalorise pas, j'accepte l'idée que je ne peux pas les gérer, car je ne suis pas la seule. Des collègues : "Ah ! C'est toi qui as pris cette classe ! Mais comment tu as fait !"
"tous les remplaçants disent qu'ils n'ont jamais vu ça!"
Je m'attarde à 16h30, on a toutes besoins d'évacuer. Tout le monde a les yeux cernés, et arrive dans la salle des maîtres en poussant un gros soupir. La discussion est animée, je ne parle plus beaucoup. La seule chose que je sais c'est que je ne prendrai pas la classe le lendemain.
Le lendemain, on m'appelle.
"J'ai un petit remplacement pour vous"
♥♥♥
J' y cours, j'y vole, je connais le quartier, aucune inquiétude, j'ai fait le pire, double niveau, ça m'est égal.
Je suis accueillie comme le messie, car les élèves sont répartis et les classes surchargées.
Je ramasse mon petit monde, et hop en classe.
Un niveau normal, des enfants normaux, certains me sont présentés comme des cas, mais ce sont des anges.
Je travaille, je m'investis, mais en fait je me repose, c'est une journée de vacances, de plaisir. Eux aussi sont heureux comme tout de leur journée.
"Maîtresse, tu sais, je n'ai pas une vie facile ! Mes parents divorcent."
Et elle parle, tout en s'assurant qu'elle ne me dérange pas. Petit bouchon pris comme un cas, car ses parentes divorcent.
Où est la vraie souffrance ?
Chez ces gamins de ZEP sans repère ?
Chez des enfants de Zone pavillonnaire ?
Chez les enseignants épuisés ?
Je pense qu'elle est partout, la souffrance n'a pas de couleur et pas d'âge. Et vous ?